"Introspective", le 3e recueil de poésie de Philippe Harbart
Ma ville repose
assommée par le froid,
figée dans le silence,
presque engourdie.
Des pierres des vieilles enceintes
transpirent les souvenirs du passé.
Toitures, clochers,
jeunes et vieilles
façades ornées de cheminées
dessinent,
depuis mon enfance,
une image familière
et rassurante.
Un petit tout
dans un grand vide.
Toujours seul
Il y a du divin
en chacun de nous!
Ne dit-on pas
miracle de la naissance?
Tout commence en boule,
Tout finit à l’horizontal.
Un parcours, juste un chemin,
aléatoire.
Un début et une fin.
Entre petits bonheurs
et grands tourments,
seul
face au monde,
avec la répétition à l’envi
de cette petite vie d’ici,
la nôtre, celle des autres,
celle qui fait toujours envie!
Il doit donc bien y avoir un dessein
ultime
qui explique
la fin
brutale
de notre courte histoire.
Loin dans le firmament
aux confins des étoiles,
reste accrochée la vérité
toute nue...
Celle de nos origines,
inconnue.
Celle qui nous questionne
sans cesse.
Cette vérité
attendue.
Dure réalité
Une faible lueur accroche à l'obscurité
ses rayons de pauvreté.
Les mots se taisent quand
les couleurs se mettent à parler.
L'horizon des jours est élimé.
Ombres et silhouettes se mêlent
aux vapeurs maussades
d'un tourbillon d'odeurs
qui montent à la tête.
La nuit rend toujours rêveur.
Par de flous mouvements d'air
aromatiques et mystiques,
sous la chaleur anesthésiante de l'été,
de vertigineuses pensées surgissent alors,
autant d'inaccessibles réalités,
d'impossibles vies parallèles à endosser.
Des mots frappés sur l'enclume du bon sens
nous rappellent sans cesse
l'amère réalité de nos vies.
Les eaux sont sales
ce matin
comme mon vague à l’âme.
Pourtant, il y a des matins
qui sentent le bonheur.
En regardant les reflets huileux
d’une mer trop sage,
je pense
à tous ces romans écrits que l’on ne lira jamais,
à tous ces spectacles évanouis,
à ces pages d’histoire oubliées…
Pourquoi faire ainsi transpirer sa pensée ?
Pourquoi ces mots surgis de soi
que l’on charrie par l’encre jusqu'au papier ?
Pour qui ?
L’écriture est un alibi :
je vis puisque j’écris.
L’écriture est une excuse :
je ne peux rien changer au monde, mais je l’écris !
L'écriture est une thérapie :
je suis malade de vivre et je vous l’écris.
J’essaie de rendre ma vie plus acceptable.
Pourquoi cette vie déjà morte
les yeux à peine ouverts ?
Quelle espérance dans un au-delà
de croyance ?
Quelle est cette lumière qui me fera oublier
les eaux sales
de ce matin…
Arrêtez d'effacer le bas du tableau,
C'est ma vie que vous balayez!
Ces mots qui disparaissent
c'est l'alphabet du passé
de cette histoire
qui ne se réécrit pas.
Je voudrais
traverser l’épaisseur des mots,
sortir de ce voyage avec des romans
déjà écrits,
pour exister,
pour dire non
au néant,
Partout du bleu, du vert,
des gesticulations d'êtres
plus ou moins
vivants.
Le jour qui succède
à la nuit.
Rien de bien original,
rien que la vie au quotidien.
Je voudrais
fuir ce vaste théâtre,
cette vie où les gens
jouent à exister
autour de la Terre,
caresser du bout des doigts
l’infinie douceur des mots,
effleurer l'inaccessible,
ne pas être
une histoire de papier
chiffonnée
une fois consommée.
Je voudrais
m’allonger dans un pré,
tout près
de la rivière musicienne,
sentir tous les parfums,
voyager sur tous les continents,
me mélanger aux couleurs primaires
entre ciel et terre,
et sans états d’âme.
Puisque regarder
c'est déjà posséder...
Regarder les oiseaux,
écouter le ciel,
sentir les parfums d’herbe et de fleurs,
fixer dans sa mémoire la lumière des belles matinées d’hiver,
ne retenir que la progression du vent dans les arbres,
passer la main sur des murs de galets,
sentir les embruns, les livres neufs, le pain frais,
se laisser envahir par cette béatitude,
par le rêve ouaté d’un bonheur fugitif,
se contenter de la surface des choses,
et tout oublier.
Que dire au temps qui passe, sinon d'arrêter son chemin?
Regardez ce monde qui suit une route infinie.
La lumière des étoiles
contraste avec la pâleur
de l’humanité.
Ombres fleuries,
majestés d’autrefois,
le parfum des vieilles pierres
a sur moi
l’enchantement des prières.
Tombe l'ennui
sur un cœur amaigri.
Il pleut à perdre toute envie.
Point de tristesse vagabonde pourtant !
Ni d'échouage lointain sur une terre inconnue.
Juste un besoin de perdre son temps.
Perdre son temps à rêver....
Rêver à d'autres vies,
hors du temps imparti !
J'ai dans la tête
une armée à la charge
dans un combat
perdu d'avance.
Et l'écho des tombeaux
qui résonne dans ma tête
frappe ma conscience éveillée.
Toutes ces routes traversées,
ces trottoirs empruntés…
ne garderont aucun souvenir
de mes pas,
Tous ces visages croisés,
ne garderont pas mon nom
dans leur mémoire.
Et cet univers infini
qui nous entoure,
gardera-t-il le souvenir
de mes pensées ?
Ne suis-je qu'un visiteur temporel?
Souvent la peur
m’a volé des instants de bonheur.
Ma tête est une machine à remonter le temps
qui déraille trop souvent.
Je cherche de nouveaux accords
à ma vie désenchantée.
Ma solitude a trouvé à qui parler,
quand l’incompréhensible du monde
vient me poser un tas de questions
sans réponses
sur notre terre trop ronde.
Pas de bonheur béat
ici-bas !
Tout se construit
jour et nuit.
Tout se mérite aussi
jour après jour.
Alors,
Il faut s'ouvrir les yeux
comme on s'ouvre les veines,
pour se forcer
à voir le monde
autrement.
Repousser les frontières
du visible.
En finir avec les illusions,
les visions en demi-lune.
Payer un peu de sa vie
le droit d'exister autrement
Quel est ce je
qui ne parle que de moi ?
Apprendre à aimer
c’est accepter le nous.
On n’arrive plus à bien s’aimer
entre sms et e-mail.
On écrit à la hauteur de ses pensées.
C'est tout dire!
On vit en raccourcis,
en codes et abréviations.
Mais Dieu merci,
l'épaisseur de la pensée
ne se mesure pas
au nombre de pages
sur la Toile.
Murs peints de graffitis.
Véhicules couverts d’écritures.
Sur les couleurs de la ville
je roule à perdre haleine.
Sur toutes ces plaines immenses
qui parlent de nos errances lointaines
se perd ma peine.
Parle-moi de ces jours évanouis,
de ces rêves inachevés.
Je veux tout savoir de toi,
Le vécu et le rêvé.
Au-delà du miroir des flots bleus,
je vois ton beau visage
et mon cœur qui s’emballe
bat à l’unisson du concert des étoiles.
Dis-moi si les jours de pluie,
tes yeux comptent le temps
qui s’écoule à ma fenêtre ?
Dis-moi encore que tu m’aimes,
comme on aime pour la vie.
Je suis tout émietté,
sans dessus dessous.
Tu as causé en moi
un sacré remue-ménage
qui m'oblige
à faire le ménage
dans ma vie.
J’ai dans le cœur
une douleur
qui me rappelle
les jours
de tes absences.
Bouche contre bouche,
Seins contre seins.
Fulgurances des étreintes,
chaleurs intimes dans nos corps.
Attention, effusion des sens.
Le corps est en fusion.
Aussi fluide que le bateau sur l'onde,
dans la lumière jaune du soir,
l'amour est un parfum
qui ondule et imprègne.
Une douceur qui nous enveloppe
et nous rapproche du ciel.
Garder un cap.
Celui de ses yeux.
Suivre son sourire,
le son de sa voix,
de son rire,
comme seul guide
dans ce monde troublé.
Ne croire qu'à cette vérité du cœur,
à cet amour partagé,
fidèle et complice.
Solide comme un océan sans fin,
un espace infini.
Deux êtres unis,
quelle plus belle réponse
à l'incompréhensible du monde?
Depuis votre naissance,
je note toute votre vie.
Je note tout pour tenter de fixer
l'érosion des jours,
la perte des souvenirs.
Je note
toutes vos premières fois.
Notes du quotidien,
Notes à part,
notes aimables et fruitées,
notes acidulées et notes plus salées.
Notes sans musique
dans ce monde désaccordé.
Et surtout, je fuis vos photos d'hier,
la douleur à l'idée de ce temps révolu.
Regrets
amers
de ces joies
de l'enfance
évanouie.
Sur fond montagneux,
des accolades nuageuses
me donnent des envies d'altitude.
Pour prendre le meilleur ici bas,
pour prendre de la hauteur,
pour arracher au ciel une promesse d'éternité.
Côté hiver, côté été,
paysages à double face.
vert pâture et bleu azur,
on mesure ici l'immensité du monde
et la petitesse de l'humanité.
Blanc comme neige,
innocent et blanc,
tout blanc,
presque absent.
Pour la première fois de l'An
un blanc manteau
a recouvert
villes et campagne.
Mais trop vite
la salissure vient noircir
ce que le ciel
a laissé choir
en toute innocence
pour nous laisser
mélancolique.
Histoire de nous rappeler
que rien n'est
ni tout blanc
ni tout noir.
Qu'il ne faut en vouloir
ni aux matins blancs
ni aux soirs si noirs.
C'est notre vie
en noir et blanc.
Tout simplement.
Mélange de parfums dans l'air ambiant.
Des enfants accrochés à leurs parents
ont étrangement oublié de crier, pour une fois.
Geste de femme,
Parfum sucré,
mordoré.
Regrets éternels,
enrubannés
d'une vie échappée.
L'image de la mer devant soi,
sous un ciel bleu.
La chaleur du soleil sur sa peau.
L'étalement des richesses et des corps.
Des souvenirs plein les nuages
et des regrets éternels
comme des bleus
au cœur.
Je suis un étranger dans cette fête.
Cette joie partagée
ne me concerne pas.
Quand la musique crie,
serviettes de couleur
dansent sur la table
bien mise.
Et quand le désordre
sur la nappe a gagné
la bataille,
un grand vide s'empare
de l'esprit,
les démons s'évanouissent
et la nuit l'emporte
enfin.
On se souvient
de ses vingt ans
le coeur
en écharpe.
Mais à vingt ans on n'est pas beau,
on est tout simplement jeune.
Il n'y a là
aucun mérite.
Rester jeune
réclame bien plus d'efforts.
Aller au bout de soi est déjà
une forme d'éternité...
Et Dieu sait que ce n'est pas grand'chose!
Le travail quotidien
comme seule raison de vivre?
Superficialité de nos existences
nourries de faits divers,
de publicités,
de mode,
pour ressembler
coûte que coûte
au moule d'aujourd'hui.
Autant d'amputations
de sa propre réalité,
désincarnée.
Guerriers de l’horreur,
guerriers aveugles.
Fous de Dieu.
Fous tout court.
Apprenez
les leçons de l’histoire.
Les guerres, les ruines
et les morts
ne conduisent
qu’à la guerre,
à la ruine
et à la mort.
Pour que cesse
cette hémorragie
planétaire,
est-ce si difficile
d’ouvrir son cœur,
de baisser
les glaives de la colère,
de retrouver
la raison
et la paix ?
Ils ont des yeux tristes,
hagards, qui se portent
vers d’autres rivages.
Parqués dans un hangar,
avec leur rêve de liberté.
Mais ici, l’asile semble une prison.
Dites-leur qu’ils ont eu raison
de garder l’espoir
d’une vie meilleure,
loin de l’intolérance
et des persécutions.
Comment changer le monde,
lui donner la couleur de la paix et de l'amour?
Comment rayer d’un trait d’humanité
la violence du quotidien ?
Comment apporter un concentré de féminité à la rugosité du monde,
courir vers l’infini le cœur nu et sans regret…
parler vrai ?
On crève de ne pas dire ce que l’on fait
et de ne pas faire ce que l'on dit!
Comme un murmure
le bruit sourd des gens
pas si loin.
Et moi,
immobile,
à l'écoute
de toutes des choses
qui nous entourent.
Sans prise sur elles.
Ces choses à faire
ou à défaire.
Que des petites choses
qui nous gâchent la vie!